Le monde de l’enfance est éternellement un endroit nostalgique une fois à
l’âge adulte. Il s’agit de l’époque où la naïveté et l’innocence sont d’avantages
présents par l’intermédiaire de l’imaginaire. Toutefois, il s’agit d’une
période de courte durée où l’enfant se voit contraint à affronter des décisions
et ses responsabilités, ce qui le guidera au passage vers l’âge adulte,
c’est-à-dire l’adolescence. Dans la littérature jeunesse, certaines œuvres sont
utilisées afin de montrer aux enfants comment surmonter les obstacles jusqu’à
devenir adulte.[1]
Ainsi, en s’adressant à l’enfant lecteur, le livre lui propose deux choix;
celui de rester enfant avec l’interdiction de devenir adulte et celui de
devenir adulte avec l’interdiction de rester enfant, d’où la présence de la
double contrainte[2].
Toutefois, la littérature jeunesse, elle, est développée à partir du stade de
l’enfance jusqu’à celui d’adulte responsable, ce qui peut aider l’enfant à
traverser ce passage difficile.[3] C’est
au travers de trois œuvres que trois enfants se cachent dans un pays imaginaire
avec comme seul désir, celui de fuir le passage qui les mènerait vers l’âge
adulte.
Parmi cette analyse, le passage de l’enfance vers l’âge adulte est représenté à travers les trois œuvres suivantes : Alice au pays des merveilles, Le Magicien d’Oz et Peter Pan, deux romans et une œuvre cinématographique, qui se déroulent dans deux époques différentes, l’époque victorienne ainsi que le 20e siècle.
Parmi cette analyse, le passage de l’enfance vers l’âge adulte est représenté à travers les trois œuvres suivantes : Alice au pays des merveilles, Le Magicien d’Oz et Peter Pan, deux romans et une œuvre cinématographique, qui se déroulent dans deux époques différentes, l’époque victorienne ainsi que le 20e siècle.
Alice au pays des merveilles
est l’œuvre la plus populaire de Lewis Carroll. Elle a été rédigée et corrigée
de nombreuses fois, mais sa date officielle d’apparition est 1865, pendant le
règne de Victoria en Angleterre. L’histoire se déroule autour d’un rêve où la
protagoniste, Alice, une fillette de sept ans, subit des changements physiques,
en grandissant ou en rapetissant. Elle se voit entourée d’animaux parlants et
de personnages tout à fait absurdes dans le pays des merveilles qui, d’ailleurs,
est très bien illustré par les dessins de John Tenniel. Lewis Carroll, de son
vrai nom Charles Lutwidge Dodgson, est reconnu pour cette œuvre qui invite
l’enfant à prendre conscience du piège que constitue le champignon magique;
celui de grandir et devenir adulte ou celui de rapetisser et rester à jamais un
enfant. Carroll est également connu pour la suite de cette œuvre, Ce qu’Alice trouva de l’autre côté du miroir,
rédigée en 1871, et La Chasse au Snark
publiée en 1876.
La deuxième œuvre étudiée est l’œuvre cinématographique de Victor Fleming
Le Magicien d’Oz « The Wizard of Oz » apparu en 1939 aux États-Unis, adaptation du roman de L.
Frank Baum. Le Magicien d’Oz est
l’une des œuvres cultes des Américains. L’œuvre musicale met en scène une jeune
fille nommée Dorothée qui, emportée par une tornade, parcourt le monde d’Oz
avec l’aide de ses amis l’épouvantail, le bûcheron en fer-blanc et le lion
poltron afin de retourner chez elle. C’est par le chemin de briques jaunes que
le film suggère le thème de l’adolescence à partir d’un monde enfantin sans
complication. Victor Fleming connait un immense succès avec cette œuvre cinématographique,
mais également avec ses œuvres Autant en
apporte le vent, parue en 1939, qui gagne un Oscar en 1940, Docteur Jekyll et mister Hyde en 1941 et
Jeanne D’Arc en 1948.
Le roman Peter Pan de James M.
Barrie est la dernière œuvre présentée pour cette analyse. Après plusieurs
apparitions dans plusieurs nouvelles, le personnage de Peter Pan est apparu dans
un roman en 1911 au Royaume-Uni. L’histoire raconte l’aventure de Peter Pan, un
enfant bien étrange, vêtu de feuilles, à la recherche d’une mère. Lorsqu’il rencontre
Wendy, la fille de M. et Mme Darling, propriétaires de la maison où Peter
fait intrusion, il la supplie de le suivre jusqu’au pays de l’imaginaire où
elle pourrait raconter des histoires à tous les enfants perdus. Barrie
transpose à travers le personnage de Peter l’envie de rester à tout jamais un
enfant afin de fuir le passage vers l’âge adulte qui exige de prendre des
responsabilités. James M. Barrie, célèbre pour son personnage de Peter Pan, est
également reconnu pour ses œuvres The
Little White Bird, écrite en 1902, et L’Admirable
Crichton, également rédigée en 1902.
Parmi ces œuvres étudiées, le passage de l’enfance vers l’âge adulte est
illustré dans un monde imaginé par les protagonistes où cette analyse démontera
sous la représentation de l’adulte, la représentation de l’enfance et le
passage de l’enfance à l’âge adulte sous les aspects des lieux imaginaires, des
changements physiques et psychologiques des personnages principaux à travers
l’étude de la narration du thème de l’adolescence.
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Le chat du-conté-du-Cheshire par John Tenniel |
La représentation de l’enfance, la représentation de l’adulte et la
transition de l’enfance à l’âge adulte.
À partir des trois œuvres étudiées, le thème principal est celui de l’enfance.
Dans chacune des œuvres, le protagoniste est un enfant. À l’époque médiévale, il
n’y a pas de place pour l’enfance.[4] On
considère les enfants comme de jeunes adultes déjà prêts aux combats. Ainsi,
dans la littérature, le personnage principal était toujours un adulte. C’est
uniquement à partir du treizième siècle que la conception de l’enfance prend de
l’importance. Lors de l’époque victorienne, l’image de l’enfance est
privilégiée et représente une étape importante dans la vie, et ce,
particulièrement dans Alice au pays des
merveilles.[5]
On appréciait davantage les personnages de jeunes filles sages et pleines de
charme, qu’on croyait alors innocentes, que les personnages de jeunes garçons
puisque le puritanisme était encore marqué chez les auteurs victoriens.[6] Cependant,
lorsque le roi Édouard VII succède à sa mère, la reine Victoria, on porte une
attention particulière aux jeunes garçons qui s’amusent bien.[7] C’est
à partir de l’œuvre de Lewis que les gens remarquent pour la première fois un
protagoniste-enfant dans un livre adressé aux enfants. Ainsi, ceux-ci se
sentent interpellés par les personnages de l’œuvre, ce qui les incite à
grandir.[8]
Toutefois, dans les trois œuvres, les personnages principaux sont plutôt
des adolescents, car le passage entre l’enfance et l’âge adulte, c’est-à-dire l’adolescence,
s’installe chez les protagonistes qui agissent et réfléchissent comme des
adultes. Ainsi, nous avons des enfants qui pensent comme des adultes, ce qui peut
être représenté par l’adolescence. Donc, c’est suite au passage de l’enfance
vers l’âge adulte que la conception du monde imaginaire est créée puisque c’est
pendant l’adolescence que les idées neuves, radicales et divergentes de celles
des adultes marquent profondément l’imagination.[9]
L’enfant, effrayé à l’idée de devenir adulte, désire s’enfuir du monde réel
pour s’aventurer dans un monde imaginaire, dans ce cas-ci le pays des
merveilles pour Alice, le pays d’Oz pour Dorothée et le pays de l’imaginaire,
également appelé le monde de nulle part, pour Peter Pan, commun aux
protagonistes.
La quête du champignon dans Alice
au pays des merveilles
Dans Alice au pays des merveilles,
le monde des merveilles est un endroit très dépaysant pour Alice. Dès son
arrivée, elle est prise d’une crise identitaire ainsi que de nombreux
changements physiques, ce qui déstabilise son raisonnement. Lorsqu’elle
rencontre la chenille, Alice lui explique que, depuis sa venue dans ce monde,
elle ne parvient plus à se reconnaître. Ainsi, elles discutent à propos de
l’identité de la protagoniste, de son âge et de sa taille, ce qui trouble
particulièrement Alice. Selon elle, Alice aimerait être plus grande, toutefois
elle souhaite fuir les responsabilités que les adultes obtiennent en
grandissant alors qu’elle n’apprécie pas l’autorité de ceux-ci. Elle aimerait
garder sa taille et rester une enfant. Seulement, la chenille lui laisse deux
choix; ou bien Alice mange un côté du champignon magique et accepte le passage
vers l’âge adulte, soit elle mange l’autre côté du champignon et reste à tout
jamais une enfant. Une fois que la chenille s’est volatilisée, Alice grignote
le côté du champignon qui la fait grandir. Paniquée, elle essaye de corriger
son erreur en mangeant les deux côtés du champignon à la fois : « […],
alors elle se mit prudemment à la besogne, grignotant tantôt l’un, tantôt
l’autre, parfois devenant plus grande, parfois devenant plus petite, jusqu’à ce
qu’elle eût réussir à retrouver sa taille normale. »[10]
C’est en retrouvant sa taille normale qu’Alice commence à se reconnaître en
tant que petite fille, ce qui la rend heureuse. Il y a aussi les effets
magiques des petits gâteaux qui font grandir Alice et la potion qui la fait
rapetisser. Ces deux éléments proposent à Alice de faire un choix selon ses
besoins, par exemple, lorsqu’elle aperçoit, derrière un rideau, une petite
porte ainsi qu’une clef sur une petite table, elle n’hésite pas à boire la potion
pour se rendre plus petite afin de se rendre de l’autre côté de la porte,
c’est-à-dire au pays des merveilles.
La protagoniste est forcée à ces changements physiques dans un monde
qu’elle considère cauchemardesque par son manque de logique où l’absurde est
illustré par divers personnages comme la reine de cœur ou le chapelier. L’absurde
est au rendez-vous lorsqu’Alice visite la maison du Lièvre de Mars. Sous un
arbre, une longue table est servie où le Lièvre de Mars, le Chapelier et le
Loir prennent le thé. Lorsque ceux-ci aperçoivent Alice qui arrive, ils
s’écrient qu’il n’y a pas de place pour elle puisque toutes les places sont
occupées, alors qu’elles sont vides. Ils lui proposent du vin, mais il n’y en a
pas sur la table, ils conversent ensemble alors que cela ne suit aucun sens, ce
qui rejoint la phase de la confusion auquel les enfants comprennent les mots
comme ils leur sont annoncés. Pour Alice, il n’y a pas de deuxième sens et elle
prend tout au premier degré. Il y a aussi la phase réglementaire et de la
logique qui est essentielle et sécurisante pour Alice puisque les règles lui
permettent une stabilité pour un bon fonctionnement. Lorsqu’elle arrive au
royaume de cœur, celui du roi et de la reine de cœur, Alice est déstabilisée et
troublée lors d’une partie de croquet. Tout d’abord, les boules sont des
hérissons vivants et les maillets sont des flamants roses également vivants.
Ensuite, les joueurs jouent tous en même temps et sans attendre leur tour.
Enfin, si quelqu’un a le malheur de se quereller avec la reine, celle-ci ordonne
qu’on lui coupe la tête. Ainsi, Alice trouve qu’il n’y a aucune logique au jeu
de la reine puisqu’il n’y a pas de perdants ou pas de gagnant, ce qui est très choquant
pour la protagoniste.
Finalement, Lewis Carroll n’encourage pas les enfants uniquement à
grandir ou à rapetisser, mais à prendre conscience du piège que constituent les
deux côtés du champignon, c’est-à-dire du choix entre rester enfant ou devenir
adulte, à travers le personnage d’Alice.[13]
Au-delà de l’arc-en-ciel dans Le
Magicien d’Oz
L’adaptation cinématographique Le
Magicien d’Oz de Flemming propose également une peur identitaire que
traverse le personnage de Dorothée dans le monde d’Oz. Toutefois, le pays d’Oz
est attrayant et coloré comparé au Kansas du film qui est monotone et sans vie.
Le monde d'Oz est une projection de l’imagination de Dorothée; orpheline et
sans parents, Dorothée cherche dans le monde merveilleux des compensations
qu’elle n’a pas dans le monde réel, autrement dit de l’amour, de beaux
alentours colorés et des amis. Par contre, elle est confrontée à des images
angoissantes et à l’interrogation de son identité.[14] Une
fois arrivée dans le monde d’Oz, elle souhaite immédiatement retourner chez
elle, au Kansas, auprès des gens qu’elle aime, c’est-à-dire sa tante Em, son
oncle Henry ainsi que les travailleurs de la ferme puisqu’elle s’y sent
inquiète. Empruntant le chemin de briques jaunes, Dorothée traverse le pays d'Oz,
accompagnée de son chien Toto, tout en se demandant vers où elle se dirige
exactement, mais également qui elle est et ce qu’elle fuit.[15] Ce
voyage permet à Dorothée de prendre conscience sur elle-même ainsi que de son
fort désir à revenir chez elle, au Kansas.
Considèrant que Dorothée a déjà traversé le passage de l’enfance, elle
est présentement dans la phase de l’adolescence comme le laisse pressentir
son mécontentement envers sa tante Em et son oncle Henry ainsi que son envie de
fuir vers un endroit au-delà de l’arc-en-ciel[19]:
« Une adolescente qui va bientôt devoir affronter le monde des adultes
aspire à un retour vers le monde simple de l’enfance, mais accepte finalement
les exigences de la maturité. »[20] Le
film de Fleming suggère que les adolescents possèdent une nostalgie d’un monde
enfantin sans complication apparente. Le fort désir de Dorothée de revenir chez
elle par le chemin de briques jaunes participe ainsi au thème des attraits de
la maison familiale.
Peter Pan, l’enfant qui ne grandit pas

Malgré son essence magique, le
pays de l’imaginaire est un lieu d’exil pour Peter Pan. Le jour de sa
naissance, lorsque ses parents évoquent son avenir prochain, celui de devenir
un homme, il s’enfuit en abandonnant ses
parents: « J’ai entendu mes parents parler de ce qui m’attendait quand je
serais un homme, expliqua Peter à voix basse. (On le sentait très agité
maintenant). Je ne veux jamais devenir un homme, s’écria-t-il avec véhémence.
Je veux toujours rester un petit garçon et m’amuser. C’est pour cela que je me
suis sauvé du parc de Kensington, et j’y ai vécu longtemps parmi les
fées. »[23]
Cependant, un an après sa fuite, Peter retourne à son lieu de naissance et
remarque que la fenêtre de sa chambre est barricadée. À travers la fenêtre, un
autre enfant occupe sa place dans son propre berceau.[24] Fou de jalousie, c’est à ce moment que Peter
refuse le passage de l’enfance vers l’âge adulte pour toujours en s’exilant au
pays de l’imaginaire. Ainsi, sans mère pour lui imposer le passage de l’enfance
à l’âge adulte, Peter Pan refuse de devenir adulte.
La figure de la mère
Malgré sa méfiance envers la mère, Peter tente désespérément de trouver
chez le sexe opposé une image maternelle et protectrice qui le sécuriserait
comme une mère sécurise son enfant. Lorsque Wendy raconte à Peter la fin du
conte de Cendrillon et affirme qu’elle connait plusieurs histoires, Peter se
réjouit et tente d’enlever Wendy de la maison familiale pour qu’elle raconte
des histoires aux enfants perdus du pays de l’imaginaire. Car, pour exister et
en tant que mythe, Peter doit constamment s’échapper de son monde imaginaire
afin de soustraire, pendant un certain temps, une petite fille de sa famille.
Ainsi, ce sont les femmes qui permettent à Peter Pan de vivre, qui permettent
aux enfants de devenir grands ainsi que de conserver une part de leur enfance.[25]
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James M. Barrie |
C’est ainsi que Peter Pan refuse le passage de l’enfance à l’âge adulte et qu’il restera un petit garçon qui ne souhaite que s’amuser comme Barrie cherchait montrer chez l’enfant lecteur.
Comparaison des trois œuvres étudiées
Le monde imaginaire
Les protagonistes dans les œuvres étudiées s’aventurent chacun dans un
monde imaginaire. Cependant, ils ne sont pas représentés ni conçus de la même
façon. Tout d’abord, Alice et Dorothée tirent leur monde imaginaire de la
conception d’un rêve, contrairement à Peter Pan. Alice, lors d’un après-midi à
s’ennuyer auprès de sa sœur, tombe endormie et court après un lapin blanc.
Dorothée, cherchant une cachette, s’enferme dans sa maison et, en attendant le
calme de la tempête, s’endort pendant que la tornade s’abat sur tout le Kansas.
Peter Pan, quant à lui, voyage d’un monde à l’autre, autrement dit le
Royaume-Uni, le monde réel, le monde des adultes. Alice et Dorothée ne cherchent
pas à fuir la réalité ni la transition vers l’âge adulte. Car, une fois dans le
monde imaginé, Alice et Dorothée ne souhaitent qu’une chose, rentrer à la
maison. Le décor du monde imaginaire est un élément important de comparaison.
Le pays des merveilles est ce que nous sommes.[28]
Le pays d’Oz est ce que nous souhaiterions et aimerions être. Le pays de
l’imaginaire est un monde d’adulte, sanglant et violent, où ce sont les enfants
perdus qui en possèdent le contrôle. Contrairement à celui-ci, le pays des
merveilles est froid et insécurisant alors qu’Oz est coloré et accueillant même
si Dorothée s’y sent perdue. La raison de la conception de ces mondes imaginés
pour les trois protagonistes est qu’à travers ceux-ci, ils cherchent un endroit
où ils peuvent fuir leurs responsabilités pour pouvoir prendre conscience de
l’enjeu du monde réel. Enfin, Alice et Dorothée sont les seules à traverser le
passage de l’enfance vers l’âge adulte tandis que Peter Pan choisit de rester à
la première phase de la vie humaine, l’enfance.
Les transformations physiques et psychologiques
Les transformations physiques et psychologiques
Alice est la seule protagoniste à subir des changements physiques.
Plusieurs fois, elle est contrainte à grandir et à se faire attaquer par un
pigeon « […], un gros pigeon s’était jeté en plein sur son visage, et la
frappait violemment de ses ailes. “Serpent!” Cria le Pigeon. »[29]
ou à rapetisser et à se noyer dans ses larmes « « Comme je regrette
d’avoir tant pleuré! » s’exclama-t-elle, tout en nageant pour essayer de
se tirer de là. « Je suppose que, en punition, je vais me noyer dans mes
propres larmes! […] ». »[30] Par
ses nombreux changements physiques, Alice subie des conséquences peu importe le
choix qu’elle décide de prendre, autrement dit le choix de grandir ou de
rapetisser. Peter Pan, en refusant le passage de l’enfance vers l’âge adulte,
reste dans sa taille d’enfant, jeune et lisse, et possède encore toutes ses
dents de lait : « Mais ce qu’il y avait de plus adorable en lui,
c’étaient ses dents de lait qu’il avait au grand complet. »[31] Il n’est pas influencé par des changements
physiques ou psychologiques puisqu’il est résigné envers tous changements qui
pourraient le rendre à l’âge adulte. Son choix est définitif, il reste un
enfant. Dorothée, elle, suit le chemin de briques jaunes en s’interrogeant sur
sa conscience ainsi que la conscience des autres, ce qui se termine par une
morale, celle du « there is nothing
like home ». En parcourant le pays d’Oz, elle se rend compte qu’au
Kansas, elle y reçoit de l’amour et qu’elle y possède des amis qui seront
toujours présents pour elle, ce qui la rassure à passer au travers de la
transition vers l’âge adulte.
Schéma actantiel
Schéma actantiel
Les personnages principaux, Alice,
Dorothée et Peter, sont les héros des mondes imaginaires. Cependant, ils ne
possèdent pas tous la même quête ni le même objectif. Alice et Dorothée voyagent
à travers le monde imaginaire afin de retourner chez soi tandis que Peter
s’installe dans le pays de l’imaginaire afin de s’évader du monde réel, dans
son cas le Royaume-Uni, et de ces responsabilités. Dorothée et Peter sont
confrontés à un opposant, la vieille sorcière qui cherche à obtenir de Dorothée
les chaussures de rubis et le capitaine Crochet qui veut éliminer Peter Pan et
prendre possession du monde de l’imaginaire, qui s’oppose dans la quête de ces
protagonistes alors que pour Alice, il n’y a pas d’opposants. Elle n’obtient
également aucune aide pour se rendre jusqu’à chez elle alors que Dorothée est
entourée de nouveaux amis, l’épouvantail, le bûcheron de fer-blanc et le lion
poltron, qui l’aident à se rendre jusqu’à la cité de l’émeraude pour y rencontrer
le magicien d’Oz. Peter Pan a également des adjuvants qui l’aident à faire face
au capitaine Crochet. Il s’agit des enfants perdus qui se sont retrouvés sans
mère et qui tiennent compagnie à Peter ainsi que la fée Clochette qui, selon
son humeur, soutient Peter dans sa quête. Le destinateur de ces trois œuvres
est le même. Il s’agit des auteurs qui veulent transmettre un message à travers
leur personnage principal. Dans le cas de Alice
au pays des merveilles, Lewis transmet à ses lecteurs qu’il y a deux choix
possibles, rester enfant ou rester adulte. Dans le film Le Magicien d’Oz,
Fleming propose une morale à ses spectateurs, celle où nous sommes toujours
bien que chez soi avec les personnes qu’on aime. Pour Peter Pan, Barrie transpose à travers son personnage qu’on peut
rester un éternel enfant et que ce choix est possible puisqu’il se considère
encore comme un enfant. Enfin, le destinataire est le même pour ces trois
œuvres. Elles ont toutes été rédigées pour les enfants, toutefois, Alice au pays
des merveilles est perçue davantage comme une œuvre adulte plutôt de d’une
œuvre pour les enfants.
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Image tirée du film Le Magicien d'Oz de Victor Fleming |
En conclusion, cette analyse des
trois œuvres étudiées, Alice au pays des
merveilles, Le Magicien d’Oz et Peter Pan, a montré que le passage de
l’enfance vers l’âge adulte est illustré par la conception d’un monde
imaginaire; le pays des merveilles pour Alice, le pays d’Oz pour Dorothée et le
pays de l’imaginaire, aussi nommé le pays de nulle part, pour Peter Pan par les
divers mondes imaginaires et les transformations physiques et psychologiques
sous les aspects de l’étude de la narration sur le thème principal des trois
œuvres, l’adolescence.
D’ailleurs, le monde imaginaire est
désormais une représentation particulière de l’enfant ainsi que la littérature
jeunesse. Dans l’œuvre Le Petit Prince
d’Antoine de Saint-Exupéry, il y a également un lieu de réconfort qui est la
planète du Petit Prince.
Alice
au pays des merveilles et Peter Pan
sont des œuvres où la psychanalyse aurait pu être un choix d’analyse pour ce
travail. Il existe deux syndromes liés à ces œuvres; le syndrome d’Alice au
pays des merveilles et le syndrome de Peter Pan. Ces deux maladies joignent les
protagonistes de l’histoire, l’un sur des hallucinations physiques et l’autre
par le refus d’être un homme qui cherche en chaque femme une figure potentielle
d’une mère.
Médiagraphie
Alice au pays des
merveilles
v Carroll, Lewis, Alice au pays des merveilles, Ce
qu’Alice trouva de l’autre côté du miroir, Paris, Éditions Gallimard,
collection Folio classique, 1994, 374 p.
v Karlsson, Jenny, Alice’s Vacillation between Childhood and Adolescence in Lewis
Carroll’s Alice’s adventures in Wonderland, Université de Karlstads, Suède,
[s.d.], 15 p, [en ligne], [format PDF] (site consulté sur Google le 28 janvier
2013).
Le Magicien d’Oz
v Baum, L. Frank, Le Magicien d’Oz, Paris, Éditions Librio, 2003, 125 p.
v Bordwell, David, Thompson, Kristin, L’art du film une introduction,
Bruxelle, Éditions De Boeck Université, 2000, p. 93, 96-100, 103, 104, 105,
108, 110-115, 119, 129, 139, 216, 227, 322, 380, 389.
v Fleming,
Victor, Le Magicien d’Oz (The Wizard of Oz), États-Unis, 1939, 89
minutes.
v Montandon, Alain, Du récit merveilleux ou L’ailleurs de
l’enfance, Paris, Éditions Imago, 2001, p. 107-144.
Peter Pan
v Barrie, James M., Peter Pan, Paris, Éditions Librio, 1982,
140 p.
v Cani, Isabelle, Chabrol Gagne, Nelly,
d’Humières, Catherine, Devenir adulte et
rester enfant? : Relire les productions pour la jeunesse, Paris, Éditions
PU Blaise Pascal, 2008, p. 177- 188 et p. 309-319.
v Chassagnol, Monique, Peter Pan, Figure mythique, Paris,
Éditions Autrement, collection « Hors collection », 2010, p. 6-11, 47-81.
L’adolescence
v Csikszentmihalyi, Mihalyi, « Adolescence », Encyclopoedia
Universalis, Universalis, [en ligne],
[http://www.universalis.fr/encyclopedie/adolescence/] (consulté le 11 février
2013).
v Cani, Isabelle, Chabrol Gagne, Nelly,
d’Humières, Catherine, Devenir adulte et
rester enfant? : Relire les productions pour la jeunesse, Paris, Éditions
Pu Blaise Pascal, 2008, p. 7-26 et p. 29-40.
[1] I.
Cani, N. Chabrol Gagne et C. d’Humières, Devenir
adulte et rester enfant? : Relire les productions pour la jeunesse,
p. 8.
[2] Loc. cit.
[3] Ibid., p. 14.
[4] J. Karlsson, Alice’s Vacillation between Childhood and Adolescence in Lewis
Carroll’s Alice’s adventures in Wonderland, p. 1.
[5] Ibid., p. 2.
[6]
I. Cani, N. Chabrol Gagne, C.
d’Humières, Devenir adulte et rester enfant? : Relire les productions pour la
jeunesse, p. 178.
[7] Loc. cit.
[8]
Ibid., p. 10.
[9] M.
Csikszentmihalyi, « Adolescence », p. 2.
[10]
L. Carroll, Alice au pays des merveilles,
p. 94.
[11] J. Karlsson, Alice’s Vacillation between Childhood and Adolescence in Lewis
Carroll’s Alice’s adventures in Wonderland, p. 3.
[12]
L. Carroll, Alice au pays des merveilles, p. 44.
[13]
I. Cani, N. Chabrol Gagne et C. d’Humières, Devenir
adulte et rester enfant? : Relire les productions pour la jeunesse,
p. 8.
[14]
A. Montandon, Du récit merveilleux ou
L’ailleurs de l’enfance, p. 108.
[15]
D. Bordwell, K. Thompson, L’art du film une introduction,
p. 97.
[16]
A. Montandon, Du récit merveilleux ou
L’ailleurs de l’enfance, p. 111.
[17] Ibid., p. 119.
[18] Ibid., p. 122.
[19] D. Bordwell, K. Thompson, L’art du film une introduction, p. 103.
[20] Loc. cit.
[21]
M. Chassagnol, Peter Pan, Figure
mythique, p.7.
[22]
I. Cani, N. Chabrol Gagne et C. d’Humières, Devenir
adulte et rester enfant? : Relire les productions pour la jeunesse,
p. 179.
[23]
J. M. Barrie, Peter Pan, p. 25.
[24]
M. Chassagnol, Peter Pan, Figure
mythique, p. 47.
[25]
I. Cani, N. Chabrol Gagne, C.
d’Humières, Devenir adulte et rester enfant? : Relire les productions pour la
jeunesse, p. 188.
[26]
J. M. Barrie, Peter Pan, p.5.
[27]
I. Cani, N. Chabrol Gagne, C.
d’Humières, Devenir adulte et rester enfant? : Relire les productions pour la
jeunesse, p. 188.
[28]
A. Montandon, Du récit merveilleux ou
L’ailleurs de l’enfance, p. 108.
[29]
L. Carroll, Alice au pays des merveilles,
p. 91.
[30] Ibid., p. 57.
[31] J. M. Barrie, Peter Pan, p.12